Pr DANIEL ONA ONDO CEMAC : Intégration sous-régionale, des pas de géant.
Nommé cinq ans plus tôt, le Pr Daniel ONA ONDO a officiellement cédé sa place à la tête la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, le 17 mars 2023 au terme de la 15e session ordinaire des chefs d’État de la Cemac tenue à Yaoundé, au Cameroun. Tout au long de son mandat, l’ancien Premier ministre gabonais a œuvré en faveur de la matérialisation du projet d’intégration souhaitée par tous les dirigeants de la sous-région. Retour sur certains des plus grands chantiers lancés sous son mandat.
DES PROJETS
Ayant passé un peu plus de cinq ans à la tête de cette institution sous-régionale, il est clair que le Pr Daniel ONA ONDO aurait voulu concrétiser tous les chantiers à sa charge, y compris ceux laissés par ses prédécesseurs. Un contexte économique davantage dégradé par la pandémie de Covid-19 et la crise russo-ukrainienne en toute fin de mandat n’ont pas permis au président de la Commission de la Cemac de voir aboutir les plus importants, voire les plus pressants. Pourtant, le Gabonais n’a ménagé aucun effort durant son mandat, permettant ainsi l’amorce de plusieurs réformes et le lancement de nombreux chantiers, dont certains sont bien avancés à l’heure actuelle.
I. Les projets intégrateurs
Au cours d’un entretien exclusif avec nos confrères de Journal Intégration, en juin 2022 au siège provisoire de la Commission de la Cemac à Malabo, son président avait confié ceci au sujet des projets intégrateurs portés par les pays de la sous-région : « Quand on parle d’intégration, c’est mettre ensemble. Aujourd’hui, nos États individuellement sont des pays de petites dimensions économiques, en dehors du Cameroun qui a une dimension trop importante. Le fait d’être intégré fait en sorte qu’on se retrouve avec près de 50 millions d’habitants qui donnent déjà une bonne masse critique. Dans les six pays, il y a cinq qui sont pétroliers et deux pays sont enclavés. Il faut relier les deux pays enclavés aux autres pays. Ça pose le problème des infrastructures économiques et sociales, les routes, les ponts et télécommunications. Le problème des projets intégrateurs est que nous en avons près d’une centaine. Nous nous sommes dit qu’il était difficile de trouver des financements pour 100 projets. À Douala, nous avons réuni tous les experts de notre région pour qu’on choisisse les projets les plus urgents. Chaque pays a donné son avis et nous avons retenu 13 projets. Nous sommes allés à Paris (pour) voir les bailleurs de fonds à la demande des chefs d’État. Nous avons récolté plus que nous avons demandé de financement. Ce sont des promesses de financements. Au retour, nous avons ces dossiers suivis par le Pref-Cemac. »
Or, depuis la tenue en France, en novembre 2020, de la table ronde des investisseurs pour le financement des onze projets intégrateurs prioritaires, la Cemac a fait beaucoup de chemin. En témoigne le constat encourageant fait par le Copil du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac) lors de sa 17e session ordinaire. Selon le communiqué final ayant sanctionné cette rencontre, des progrès ont été enregistrés dans la réalisation de 70% des projets intégrateurs présentés à Paris. Le véritable motif de satisfaction à ce stade est notamment lié à l’entrée en phase de démarrage de cinq d’entre eux :
- la construction/réhabilitation du corridor Brazzaville-Ouesso-Bangui-Ndjamena ;
- l’interconnexion des réseaux électriques entre le Cameroun et le Tchad ;
- l’aménagement de la route Ndende-Dolisie ;
- la construction de l’Université Inter-États Congo-Cameroun ;
- la construction de la route transnationale Kogo-Akurenam.
sont en cours de matérialisation, le Pref-Cemac a identifié, en février 2023, 12 nouveaux chantiers bientôt présentés aux investisseurs internationaux en vue de leur financement.
II. La libre circulation
Lors de la Conférence internationale sur l’intégration régionale en Afrique centrale organisée conjointement avec la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), l’ex-président de la Commission de la Cemac avait défendu face à la presse l’effectivité de la libre circulation en Afrique centrale :
« La libre circulation est un fait réel aujourd’hui. Quand j’ai été nommé, j’ai eu la chance et l’honneur d’être reçu par le chef de l’État gabonais qui à l’époque était un peu opposé à la libre circulation. Mais désormais, il est totalement d’accord. Tous les pays ont le passeport Cemac. Or, lorsque vous avez un passeport Cemac, vous êtes libres de circuler dans la zone. Hier encore [mercredi 27 avril 2022, NDLR] j’étais à la direction générale de la Documentation et de l’Immigration (DGDI) pour aller voir le spécimen de ce passeport. C’est pour dire que tout est en place, les outils sont en voie de conception. Mais naturellement, quand on dit « libre circulation », ça ne veut pas dire « libre installation ». Ce n’est pas non plus l’abbaye de Thélème où l’on fait ce qu’on veut. La libre circulation répond à des règles qu’il faut respecter. Et l’avantage qu’on a au niveau de la Communauté, c’est que lorsqu’une règle supranationale est prise, celle-ci s’impose à tous les États. C’est vrai qu’il y a encore des progrès à faire, mais nous faisons des efforts. Un exemple personnel : j’ai récemment fait le corridor Yaoundé-Douala-Libreville, c’est impossible de circuler. Les gens qui ont des marchandises rencontrent effectivement des problèmes, mais nous travaillons pour qu’il y ait moins d’obstacles à la circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. C’est un travail de longue haleine. »
Pour y parvenir, la Commission de la Cemac et les États se sont donc mis au défi d’entamer la construction et la finalisation du processus d’identification des postes de contrôle sur les routes de la sous-région. En effet, le Copil du Pref-Cemac a pris l’option de s’attaquer aux barrières que constituent encore la construction et la gestion des postes de contrôle aux frontières. Le communiqué final de la 17e session du Copil renseigne ainsi qu’il est demandé aux États et à l’institution sous-régionale de commencer la construction des trois postes-frontière déjà identifiés ; de finaliser le processus d’identification des points de construction des trois autres postes-frontière avant la fin du second semestre 2022 ; et d’élaborer une directive communautaire sur l’installation et le fonctionnement des postes de contrôle sur les corridors routiers de la sous-région.
Une fois cela fait, il restera alors à «harmoniser la formation des agents et à former ceux affectés aux postes-frontière dans les domaines de l’intégration régionale, de l’informatique et de la gestion des bases de données ». Tout en tenant compte « du principe de la subsidiarité dans le processus de rationalisation des institutions spécialisées de formation communautaire », est-il souligné.
1. Les nouvelles balises de la libre circulation
Avec la matérialisation de ce projet, le mouvement des agents économiques, transporteurs et simples citoyens va gagner en fluidité dans l’espace communautaire. En effet, beaucoup pensent qu’une nouvelle ère vient de s’ouvrir en zone Cemac en matière de libre circulation des personnes et des biens. Eu égard aux importants projets de textes portés par la Commission de la Cemac et adoptés le 28 octobre 2022 à Yaoundé par les ministres de l’UEAC. Les textes appelés à changer les habitudes et la vie dans l’espace communautaire portent en effet sur la réforme fiscalo-douanière et sur la mise en place d’une Brigade mixte Cemac-États membres. La Commission de la Cemac évoque déjà comme bénéfices la fluidification de la circulation, la densification des échanges intracommunautaires, et à terme, la mise en place d’un véritable marché commun sous-régional.
Brigade mixte Cemac-États
« Il existe encore beaucoup de problèmes pour circuler en zone Cemac. Du fait en l’occurrence des nombreux contrôles et des tracasseries enregistrées sur les corridors de nos pays. Surtout sur nos routes, parce qu’au niveau des aéroports, il n’y a pas de problème». C’est la raison pour laquelle le Pr Daniel ONA ONDO dit avoir voulu « présenter aux ministres une proposition pour mettre tout le monde ensemble ». Il s’agit du texte portant « création, organisation et fonctionnement de la Brigade mixte Cemac-États membres ». Elle est censée se déployer selon le dirigeant communautaire, «le long des corridors Inter-États ». Ce sera sous la surveillance du Comité des chefs de police de l’Afrique centrale (CCPAC). Les avantages sont à envisager à plusieurs niveaux. « Par exemple dans le démantèlement des nombreux postes de contrôle existants, mais également dans la dématérialisation desdits contrôles, avec un gain substantiel en temps », confient certaines expertises au sein de l’institution sous-régionale. Il reste encore à préciser le positionnement de la Brigade mixte par rapport aux initiatives déjà en cours d’implémentation. À l’instar de l’Observatoire régional des pratiques anormales le long des principaux corridors d’Afrique centrale (OPA-AC). Deux conventions sont d’ailleurs déjà en cours d’exécution pour le volet formation avec l’Eiforces et pour le volet sécurité, avec l’Issea.
Réforme douanière
Les ministres de l’UEAC, la Commission de la Cemac et les populations de la sous-région fondent également beaucoup d’espoirs dans la réforme fiscalo-douanière engagée dans l’espace communautaire. Cinq textes validés justifient cette attente. Les uns ont vocation à « fixer le statut d’Opérateur économique agréé (OEA) et les modalités de reconnaissance mutuelle en zone Cemac ; à déterminer les documents à annexer aux déclarations en détail ; et à fixer les modalités de création des Bureaux de douanes dits ‘‘juxtaposés’’ aux frontières des États de la Cemac ». Toujours selon la Commission de la Cemac, les autres se rapportent à « la dématérialisation des documents qui doivent être joints aux déclarations en douane ; et à la publication des procédures d’importation, d’exportation, de transit et de recours sur les sites Internet des administrations des douanes des États membres ». De quoi réduire les temps de passage, alléger le coût du transit et renforcer ainsi la compétitivité des corridors de la sous-région.
III. La politique minière commune de la Cemac
C’est sous son mandat et grâce à l’implication personnelle du Pr Daniel ONA ONDO que ce dossier a connu une avancée notable il y a quelque temps, avec en ligne de mire l’émergence de pôles métallurgiques en Afrique centrale. Pour preuve, lors du lancement officiel, le 4 avril dernier à Yaoundé, du projet d’élaboration de la politique minière commune de la Cemac, il était le grand absent. Pourtant, le nom du président de la Commission de la Cemac était sur toutes les lèvres. D’abord sur celles du ministre camerounais des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt), Gabriel Dodo NDOKE. Ce dernier a exprimé « sa reconnaissance au Pr Daniel ONA ONDO pour avoir engagé ce chantier crucial pour notre sous-région ». L’Afrique centrale est en effet redevable au dirigeant communautaire d’avoir initié le 30 août 2018, sur la base du Programme économique régional (PER) adopté par les chefs d’État, le recrutement du cabinet Sofreco aujourd’hui en charge de la mise en œuvre du projet. Le membre du gouvernement a ensuite « réitéré ses remerciements à la Commission de la Cemac pour ses appuis multiformes à aider les six États à mieux tirer profit des ressources minières ».
Le président de la Commission a enfin trouvé une place de choix dans l’allocution de son représentant. Le commissaire Shey Jones YEMBE a exprimé en son nom «toute sa joie de réaliser que la Communauté est progressivement en train de dénouer le goulot d’étranglement qui asphyxie la croissance dans nos économies et empêche notre développement». Le Dr Duval Antoine DEMBI, directeur du Développement industriel, des Mines et du Tourisme à la Commission (Minmidt) de la Cemac, se tenait alors à ses côtés.
« À court terme, a résumé Shey Jones YEMBE, la mise en œuvre de la politique minière favorisera le développement d’un pôle métallurgique en zone Cemac basé sur la transformation locale de l’ensemble des minerais exploités, et à long terme, la mise en place des chaînes de valeur, la création d’emplois permanents et la fin des déficits structurels du solde de courant de nos balances commerciales. » Le Minmidt souligne à sa suite que cette politique commune « porte principalement sur la mise en valeur durable et rationnelle des grands projets miniers transfrontaliers, nationaux ou d’envergure régionale ».
Gabriel Dodo NDOKE précise en outre que l’industrie minière naissante « s’organisera en liaison avec le développement des infrastructures électriques et de transport ». La transformation et la production d’aluminium, fer, cuivre, manganèse, sels de potasse, magnésium, chlorure de sodium et des matériaux de construction ont été retenues comme les premiers piliers de l’industrialisation. Des prospections vont ensuite avoir lieu pour agrandir cet éventail et « faire des États de la Cemac, des acteurs clés du marché mondial de produits métallurgiques intermédiaires et des fournisseurs privilégiés du marché régional de produits finis », a indiqué le Minmidt.
DES REFORMES
L’acte de naissance sur la table du président dédié
Le Traité constitutif validé et transmis par le Conseil des ministres du Copil/ CER-AC, règle notamment les questions de nom de baptême, du siège de la nouvelle institution, de la répartition et de l’attribution des postes aux onze États.
« Au terme des échanges, le Conseil transmet le projet de Traité constitutif validé avec avis favorable au président de la République du Cameroun, président dédié de la rationalisation ». C’est la principale annonce à l’issue de la cinquième réunion du Conseil des ministres du Comité de pilotage de la rationalisation des CERs d’Afrique centrale (Copil/CER-AC). La cérémonie de clôture était présidée le 12 août 2022 à Yaoundé par Alamine OUSMANE MEY, le président du Copil/CER-AC. L’agenda des travaux prévoyait entre autres l’examen et la validation de quatre textes fondateurs de la nouvelle Communauté économique et régionale. Mais « les ministres, ainsi que les chefs de délégation des différents pays, ont planché sur le principal texte d’abord, à savoir le projet de Traité constitutif», souligne le ministre camerounais de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat). C’est dans la conviction que «si ce projet de Traité venait à être parachevé, il faciliterait la mise en œuvre des autres projets de textes », fait savoir au nom de ses pairs, Alamine OUSMANE MEY. Avant de « saluer le résultat obtenu, résultat qui sera porté à l’attention du président dédié », confirme-t-il dans son discours de clôture.
Pour en arriver là, le Conseil des ministres a dû prendre connaissance du travail de la Cellule des experts. L’instance sous-régionale a en effet « suivi la présentation sur le projet de Traité constitutif de la nouvelle CER. Elle a salué la qualité du travail qui lui a été soumis. Et après de fructueux échanges sur ledit document, elle l’a validé sous réserve de la prise en compte des observations formulées », relève le Dr Patrice LIBONG, coordonnateur du secrétariat technique du Copil/CER-AC.
UAC, nom de baptême potentiel
La validation du projet de Traité constitutif de la nouvelle Communauté, d’abord par les experts, ensuite par le Conseil des ministres, implique un consensus sur un certain nombre de questions essentielles. Celle du nom de baptême de la nouvelle institution notamment. On apprend ainsi du communiqué final des travaux de Yaoundé que sur les trois noms présentés par la Cellule des experts, « le Conseil des ministres du Copil/CER-AC a retenu deux propositions de dénominations de la nouvelle Communauté à soumettre au président dédié, le président camerounais Paul BIYA ». L’une d’elles pourrait bien être l’Union de l’Afrique centrale (UAC).
Des informations n’ont par contre pas filtré au sujet du siège de la nouvelle institution. Il semble toutefois pour ce qui est du pays appelé à diriger dans ses premières années la nouvelle Communauté que l’Angola ait les faveurs des autres États. Si l’on prête foi aux indiscrétions faisant état d’une option sérieuse en faveur d’une présidence tournante suivant l’ordre alphabétique. Ce qui place en effet le pays d’origine de l’actuel président de la Commission de la CEEAC en pole position.
LES SOURCES ALTERNATIVES DE FINANCEMENT
À la Commission, les débats sont ouverts. Trois pistes sérieuses sont déjà envisagées au niveau du Conseil des ministres de l’UEAC et de la Commission de la Cemac. Les députés sont appelés à se prononcer sur la question des moyens alternatifs de financement à mettre en place afin de garantir le fonctionnement de la Communauté, compte tenu des difficultés des États à libérer intégralement la Taxe communautaire d’intégration et des sollicitations similaires faites du côté de la CEEAC. En effet, au sujet de la TCI, ça coince toujours. Or, Pr ONA ONDO la présentait déjà comme « la principale ressource de la Commission ». « Cette TCI n’est pas reversée parce qu’elle est collectée au corridor douanier de chaque État. Malheureusement, elle rentre au Trésor public et elle a du mal à sortir. C’est pourquoi les chefs d’État ont demandé à ce qu’on change de process. Qu’on fasse en sorte que la Commission récolte la TCI au corridor. Nous avons commencé au Gabon, ils ont acté cela. Et aujourd’hui, nous avons déjà quelques miettes qui arrivent », avait-il confié avant d’appeler à « la bonne volonté et la volonté politique » des États. En attendant, la Commission se contente de quelques petites ressources internes et un certain nombre d’aides extérieures.
Dans le but de trouver des sources alternatives, quelques pistes sont envisagées. Il s’agit de :
La taxe sur les appels
Une taxe devrait être imposée très prochainement sur les appels téléphoniques. « Les premières estimations de l’avant-projet la fixent à 20 FCFA. Elle devrait s’appliquer au premier appel de la journée », apprend-on. Cela dit, on a conscience au sein du Conseil des ministres de l’UEAC et de la Commission de la Cemac, « qu’il faut éviter de surtaxer le secteur de la téléphonie mobile, les transferts d’argent par voie électronique faisant déjà l’objet d’une taxation », disent certaines expertises.
La Carte Rose
Jusqu’ici, la Carte Rose est une institution spécialisée de la Cemac dotée d’une autonomie financière. Toutefois, une réforme est en cours. Elle devrait permettre à cette institution communautaire de s’arrimer au fonctionnement de la Commission de la Cemac. L’aboutissement de cette réforme présente un gros avantage. « Celui de donner la possibilité d’y prélever un certain pourcentage et d’alimenter ainsi le budget de la Cemac », renseigne également une source.
La fiscalité de dissuasion
Une fiscalité de dissuasion pourrait aussi bientôt se mettre en place en zone Cemac. Tel qu’envisagé, le mécanisme est destiné à s’appliquer aux exportations. Il s’agirait alors « de surtaxer les opérateurs qui exportent les matières premières brutes et de moins taxer ceux qui les exportent après transformation au niveau local ». Les expertises sollicitées précisent qu’ « un système de péréquation sera dès lors mis en place pour permettre à la Commission de la Cemac d’en tirer quelque chose ».
FODEC
La Communauté fait également face à « une raréfaction des financements du Fonds de développement de la Communauté ». À en croire des sources proches de l’organe sous-régional, des initiatives se multiplient afin de «remédier et d’engager en urgence, au titre de ses activités, une réflexion sur l’élargissement des sources de financement pour garantir la pérennité de ses missions ». Cela passe aussi par la « formalisation et les adaptations qui garantiraient une plus grande fluidité et transparence dans l’exécution des opérations du guichet 1 du Fonds », apprend-on.
PRINCIPAUX CORRIDORS ET ROAMING
Lever l’hypothèque des postes de contrôle et des frais. Tel est un des principaux dossiers sur la table de la Commission de la Cemac qui, appuyée par les États s’est mis au défi d’entamer la construction et la finalisation du processus d’identification des postes routiers avant la fin de l’année courante. La gratuité effective de l’itinérance entre également en ligne de compte.
Un des nombreux plaidoyers du président de la Commission de la Cemac en faveur de la libre circulation et de la densification des échanges intracommunautaires est sur le point de porter ses fruits. Le Pr Daniel ONA ONDO vient en effet d’être appuyé par le Copil du Pref-Cemac. Lequel a pris l’option de s’attaquer aux barrières que constituent encore la construction et la gestion des postes de contrôle aux frontières. Le communiqué final de la 17e session du Copil renseigne ainsi qu’il est demandé aux États et à l’institution sous-régionale, «de commencer la construction des trois postes-frontière déjà identifiés ; de finaliser le processus d’identification des points de construction des trois autres postes-frontière avant la fin du second semestre 2022; et d’élaborer une Directive communautaire sur l’installation et le fonctionnement des postes de contrôle sur les corridors routiers de la sous-région ».
Une fois cela fait, il restera alors à «harmoniser la formation des agents et à former ceux affectés aux postes-frontière dans les domaines de l’intégration régionale, de l’informatique et de la gestion des bases de données ». Tout en tenant compte « du principe de la subsidiarité dans le processus de rationalisation des institutions spécialisées de formation communautaire », est-il souligné.
Frais d’itinérance
La libre circulation sans entrave des personnes, des biens, des services et des capitaux implique aussi celle des informations et des données. La question des frais d’itinérance en zone Cemac se révèle donc tout aussi préoccupante. Le Copil parle « d’organiser une réunion des ministres en charge des Télécommunications et des régulateurs du secteur ». De façon à ce que les barrières érigées aux frontières numériques des États soient également démantelées. L’objectif spécifique étant de parvenir à « lever les goulots d’étranglement observés dans l’entrée en vigueur des protocoles portant sur la suppression desdits frais d’itinérance dans l’espace communautaire ».
Zone des trois frontières : bientôt un poste de contrôle unique frontalier à Kyé-Ossi
Une nouvelle ligne est sur le point de s’ajouter au descriptif de Kyé-Ossi. La localité située dans la région du Sud au Cameroun est déjà réputée pour être la ville des trois frontières entre le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Gabon. Elle sera bientôt aussi reconnue pour son Poste de contrôle unique frontalier (PCUF). L’ouvrage fait partie d’un ensemble de 12 postes à mettre en place sur les principaux corridors de la sous-région. Un avis à manifestation d’intérêt en vue du recrutement d’un cabinet d’études est lancé depuis le 30 novembre dernier. Des experts de la Cemac et de ces trois pays étaient sur le site du 14 au 15 novembre dernier. Ils répondaient à l’invitation du président de la Commission de la Cemac. Le Pr Daniel ONA ONDO était représenté par le Dr Vincent TANYA, chef de cabinet du commissaire en charge du département des Infrastructures et du Développement durable (DIDD).
Le déploiement des experts a débouché sur la rédaction d’un « document de base consensuel. Il permettra d’engager très prochainement la procédure de recrutement d’un Bureau d’études pour la maîtrise d’œuvre complète des travaux d’étude de construction d’un poste-frontière aux normes et standards internationaux ». La Commission de la Cemac se félicite aussi de ce que « la mission aura surtout permis de franchir une étape importante vers l’acquisition des financements pour la réalisation de cet ambitieux projet intégrateur ».
La visite de travail a connu deux temps forts : d’un côté « la descente sur le terrain pour inspecter les sites identifiés devant abriter les locaux du poste de contrôle, et de l’autre, la validation des termes de références du projet d’étude y relatif », précise la Commission de la Cemac. À en croire l’institution sous-régionale, « le projet de construction d’un PCUF à Kyé- Ossi s’inscrit dans le cadre du Programme économique régional (PER) de la Communauté et des projets prioritaires retenus dans son Plan opérationnel 2017-2021 ». Il répond ainsi à l’objectif « de renforcer et fluidifier les échanges communautaires en vue d’une augmentation de 50% des échanges commerciaux, une réduction de 50% des délais et coûts de transit, et une réduction de 20% des coûts logistiques ». On se fait notamment fort de rappeler à la Commission que « la zone de Kyé-Ossi concentre un grand centre commercial de produits vivriers qui alimente la Guinée équatoriale et le Gabon ».
SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA CEMAC EN FIN DE MANDAT
Fonctionnement des institutions sous-régionales
L’année 2022 a été marquée par des défis et des actions fortes de l’UEAC et de l’UMAC. La deuxième session ordinaire de l’année 2022 du Parlement communautaire connaît un heureux dénouement pour la Commission de la Cemac. Du fait en particulier de l’adoption par les députés de la sous-région, du budget de fonctionnement des institutions communautaires pour l’exercice 2023. L’enveloppe est arrêtée en ressources et en emplois à la somme de 72 187 262 433 FCFA. En légère baisse de 2 937 874 044 FCFA en valeur absolue, soit 3,91% en valeur relative par rapport à l’année 2021. Une séquence est également dédiée à l’examen des allocations du Fonds de développement de la Communauté (Fodec). Celles-ci s’élèvent pour le prochain exercice à 9 724 912 494 FCFA, ainsi que l’ont souhaité le 28 octobre dernier à Yaoundé, les ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) réunis en session ordinaire. Le Pr Daniel ONA ONDO a aussi procédé le 4 novembre 2022 à la traditionnelle présentation de l’état sur le fonctionnement de la Communauté.
UEAC
Le Conseil des ministres de l’UEAC et le Comité ministériel de l’Umac se sont attelés depuis le début de l’année à atteindre un objectif en particulier. «Faire de l’intégration régionale une voie privilégiée du développement, en vue d’une économie régionale dynamique, ouverte et compétitive ». Le président de la Commission de la Cemac met déjà à l’actif des deux instances sous-régionales, l’adoption « de nouveaux dispositifs et instruments normatifs nécessaires au renforcement de l’intégration.
De même que la conduite de plusieurs chantiers dans le but de renforcer les acquis et consolider le processus d’intégration de la Cemac ».
À l’en croire, l’action des ministres de l’UEAC s’est focalisée à titre principal sur «le renforcement des politiques communes à travers la consolidation de la politique économique générale et la poursuite de la mise en œuvre des politiques sectorielles; et sur le Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac), la surveillance multilatérale, la gestion des finances publiques, la consolidation du marché commun et le renforcement du dispositif statistique et les études économiques ».
Le récit à la représentation communautaire du Pr Daniel ONA ONDO met par ailleurs en exergue quatre autres axes stratégiques de l’instance présidée par le ministre camerounais Alamine OUSMANE MEY. En l’occurrence « le renforcement du capital humain à travers l’espace Cemac de l’Enseignement supérieur ; les infrastructures physiques, les transports, l’aménagement du territoire et les télécommunications; l’agriculture et la sécurité alimentaire et nutritionnelle; l’économie verte à travers l’énergie; et enfin l’industrie, le tourisme et la bonne gouvernance», a décliné le dirigeant sous-régional.
UMAC
Pour le président de la Commission de la Cemac, l’année 2022 c’est aussi « la politique monétaire conduite avec succès par l’institut d’émission de la Cemac, la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) ». Dans le contexte postCovid-19 et de la guerre en Ukraine. Il évoque aussi les interventions de la Cobac pour garantir un système bancaire stable et résilient ; ainsi que celles de la Cosumaf. Le gendarme du marché financier était occupé à mettre en œuvre la deuxième phase de la fusion des marchés financiers.
Croissance du PIB en 2022 et 2023 Avec la RDC dans ses rangs, elle affiche une constance à 4,6% et 4,3%. Elle se révèle surtout, selon les projections de la Bad, plus performante au cours de ces deux exercices que l’Afrique du Nord, de l’Ouest et australe.
En termes de performances et de perspectives économiques en 2022 et 2023, seule l’Afrique de l’Est fait mieux que l’Afrique centrale. Cette dernière comprend selon les considérations de la Banque africaine de développement, les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et la République Démocratique du Congo (RDC). Les estimations faites en avril 2022 donnent alors à savoir que le taux de croissance du PIB de la sous-région au cours des deux exercices considérés se situe respectivement à 4,6% en 2022 et à 4,3% en 2023. Ces performances sont toutes les deux supérieures à celle enregistrée en 2021 estimée à 3,4%. Elles se révèlent également meilleures que celles affichées par les autres Communautés économiques régionales (CERs), à l’instar de l’Afrique du Nord, de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique australe.
Classement des CERs
Les estimations de croissance du PIB réel de la Bad permettent d’aboutir à un classement des CERs. Et elles donnent une vue panoramique des capacités des différents ensembles sous-régionaux à porter, ou au contraire à plomber la croissance du continent. Laquelle est projetée en 2022 à 4,1%. On retrouve en tête de ce classement l’Afrique de l’Est avec un taux de croissance estimé en 2022 et 2023 à 4,7% et 5,5%. Cet espace sous-régional doit ses performances à l’ensemble de ses pays et en particulier au Rwanda (6,9% et 7,9%), au Soudan du Sud (5,3% et 6,5%) et au Kenya (5,9% et 5,5%). L’Afrique de l’Est est suivie de près par l’Afrique centrale avec des prévisions de croissance de l’ordre de 4,6% et 4,3%. Viennent ensuite l’Afrique du Nord (4,5% en 2022 et 4,2% en 2023), l’Afrique de l’Ouest avec 4,1% au cours des deux exercices considérés, et enfin l’Afrique australe avec seulement 2,5% de taux de croissance en 2022 et 2,4% en 2023 selon les perspectives de la Bad.
SITUATION SOCIOPOLITIQUE DE LA CEMAC EN FIN DE MANDAT
Le Sommet des chefs d’État en six dossiers
Ce qu’il faut retenir des deux huis clos de la quinzième Conférence des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale.
1-Le Pref-Cemac deuxième génération se lance
Denis SASSOU NGUESSO, président de la République du Congo, président dédié au Programme de réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac) a présenté l’état d’avancement de la deuxième génération du programme. À s’en tenir au communiqué final de la rencontre, « la Conférence l’a félicité pour la qualité du travail accompli ainsi que pour les progrès enregistrés depuis 2017 dans l’exécution dudit programme sur le redressement global des économies de la Cemac et plus particulièrement la mise en œuvre des onze projets intégrateurs présentés à la table - ronde de Paris en novembre 2020. Elle a invité à poursuivre la mise en œuvre de la deuxième génération de cet important programme ».
2- Réforme du Franc CFA/ cryptomonnaie, échéance ajournée
La Conférence a reçu le rapport conjoint du Gouverneur de la Beac et du Président de la Commission sur la réflexion ouverte en novembre 2019 sur le cadre et les conditions d’une nouvelle coopération monétaire avec la France. Elle a suivi l’exposé y relatif du Gouverneur de la Beac. Elle prescrit « d’élargir la réflexion aux ministres en charge des finances et de l’économie et de lui remettre les conclusions conjointes à brève échéance. En planifiant, suivant une échéance précise de mesures à prendre, à court, moyen et long terme ».
Après la présentation de l’analyse et les perspectives de la cryptomonnaie dans la sous-région, par le Gouverneur de la Beac, les chefs d’État réaffirment leur « attachement aux dispositions de l’Article 6 de la convention régissant l’Union monétaire de l’Afrique centrale, sur le cours légal et pouvoir libératoire de la monnaie dans la Communauté». Ils encouragent la Beac, en collaboration avec les autres régulateurs communautaires, « à poursuivre les réflexions déjà engagées, en vue d’élaborer un cadre légal et règlementaire des activités relatives à l’émission et à la gestion des cryptoactifs. Ainsi qu’à proposer le cas échéant des solutions alternatives crédibles ».
3- Import-substitution, incontournable voie à suivre
La Conférence des chefs d’État a adopté l’étude menée sur la stratégie d’import-substitution des produits du cru de la Cemac présentée par le Président de la Commission. Elle exhorte « les États membres, les institutions sous - régionales, les partenaires techniques et financiers, et les opérateurs économiques à faire de la stratégie un enjeu majeur et s’approprier son plan d’opérationnalisation. A cet effet, elle a instruit le Président de la Commission de mettre en place une structure communautaire de contrôle de qualité des produits du cru de la Cemac. Et de s’assurer des mesures de facilitation de la circulation desdits produits. Notamment par la mise en place effective des postes-frontière ». L’import – substitution permet de promouvoir les produits locaux et de booster le Made in Cemac.
4- Activités des organes de la Communauté, doit mieux faire
Les chefs d’État ont écouté plusieurs rapports, en premier celui du Pr Daniel ONA ONDO. « Le président de la Commission, après avoir rappelé le contexte qui a marqué la période quinquennale écoulée et impacté le fonctionnement de la Communauté, a présenté les principales avancées du processus d’intégration de la Cemac obtenue entre novembre 2017 et fin 2022. Il a précisé que l’essentiel du plan des activités, du bilan des activités accomplies au cours du dernier quinquennat a porté sur la gestion macroéconomique des États membres, le développement du capital humain, la mise en œuvre des programmes dans les domaines de la santé publique, des infrastructures, du développement industriel, des mines, du tourisme, des télécommunications, de l’agriculture, élevage, pêche, et de la sidérurgie ». Bilan qui a valu les félicitations de la Conférence des chefs d’État au Président de la Commission, à la Vice-présidente et à l’ensemble des commissaires pour les acquis obtenus.
5- Évolution du système financier sous-régional/Application de la réglementation de change
« La Conférence se réjouit de la consolidation des réserves de change, grâce à l’application effective de la réglementation de change, et a félicité la Beac et l’a encouragé à poursuivre et à renforcer l’application de ladite réglementation, à tous les secteurs d’activités, notamment aux entreprises du secteur extractif, en vue de favoriser la consolidation de la position extérieure des réserves de change de la Cemac. À cet égard, la Conférence engage le gouverneur de la Beac, le Président de la Commission, les ministres sectoriels concernés, et ceux en charge des finances, ainsi que toutes les parties prenantes, à poursuivre et conclure les négociations autour du rapatriement des recettes d’exportation ».
Les chefs d’État se disent satisfaits de la poursuite par les États des programmes conclus par le Fonds monétaire international (FMI). La Banque de développement des États de l’Afrique centrale (Bdeac) est dans la même veine. Son Président a informé la Conférence de l’adoption du nouveau plan stratégique 2023-2027. Il est prévu, sur la durée du plan stratégique, une prise d’engagement d’environ 1700 milliards de FCFA. « La Conférence a salué les perspectives envisagées, et encouragé le président de la Bdeac dans l’exécution dudit plan ».
6- Politique commune d’immigration, de migration et protection des frontières en zone Cemac : accélération contrôlée fortement souhaitée
« Il nous faudra également accélérer la mise en circulation du passeport biométrique Cemac. Toutes ces actions vont favoriser un meilleur maillage de nos Etats, une circulation accrue des hommes et des biens, ainsi qu’une amélioration de la performance de nos économies. Mais, tout cela ne saurait se réaliser sans la paix et la sécurité à l’intérieur de nos frontières nationales et sous - régionales. L’une des menaces qui pèsent sur le développement de la Cemac est bien entendu l’insécurité, causée par des groupes armés internes et transfrontières qui infestent notre sous-région. Leurs activités sont d’autant plus pernicieuses que l’une de leurs attaques a couté la vie à notre regretté frère, le Président Idriss DEBY ITNO. Elles obligent nos États à consentir d’énormes sacrifices en termes de dépenses de sécurité. Des progrès considérables sont enregistrés çà et là. Mais nous ne devons pas baisser la garde ni réduire nos efforts. C’est le cas en ce qui concerne par exemple la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram. Nous devons rester fidèles à nos engagements nationaux et communautaires pour que la paix et le progrès reprennent droit de cité dans nos pays et dans notre sous-région. Pour cela, la solidarité doit être le maître-mot ». Que retenir des délibérations sur cette déclaration du président Paul BIYA ? « La Conférence a été informée et a pris acte de l’état de mise en œuvre de la politique commune d’immigration, et de migration et de la protection des frontières en zone Cemac ». Cette conclusion laconique donne à constater le caractère sensible de cette problématique.
JOURNAL INTÉGRATION