RENVERSEMENTS MILITAIRES AU NIGER ET AU GABON, Similitudes et différences
Le continent africain a une nouvelle fois été au centre de l’attention médiatique en raison de la prise de pouvoir par les militaires à Niamey et à Libreville en l’espace d’un peu plus d’un mois seulement. Ces renversements sont-ils pour autant similaires ? Quelles sont leurs différences ? Analyse sans concession.
La prise du pouvoir par les militaires au Gabon et au Niger
En l’espace d’un mois et cinq jours, l’Afrique francophone a connu deux changements non constitutionnels à la tête d’un État. En effet, le 26 juillet 2023 le Président nigérien Mohamed BAZOUM était déposé par le Général Abdourahamane TCHIANI à Niamey tandis que le Président gabonais était mis hors-jeu par le Général Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA le 30 août 2023. C’est le 7e renversement de pouvoir par les militaires dans un pays d’Afrique francophone depuis 2020. Jusqu’à présent seuls les pays d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) étaient en proie à de telles situations.
Mais la situation au Gabon, bien que prévisible en raison de la déliquescence du pouvoir et des tensions nées d’un climat politique tendu, semblait hors de portée d’une possibilité. Cependant, en examinant les situations des deux régimes militaires en place, force est de constater que même s’ils partagent des points communs, il y a de nombreux points de différence qui font que ces deux cas ne doivent pas être examinés avec les mêmes éléments d’appréciation. En effet, s’il est aisé de qualifier le Général TCHIANI de « putschiste », le même raisonnement ne s’applique pas au Général OLIGUI NGUEMA.
Les points communs aux deux évènements
Les prises de pouvoir à Niamey et à Libreville ont des points communs à savoir un même passé colonial (avec la France), sont des pays francophones et utilisent le franc CFA comme devise. Ce sont les chefs des gardes prétoriennes de Mohamed BAZOUM et d’Ali BONGO ONDIMBA qui ont pris le pouvoir sans effusion de sang. Mais les points communs se limitent là. D’un point de vue démographique, le Niger est très peuplé avec 22 millions d’habitants contre plus de dix fois moins pour le Gabon qui compte à peine 2 millions d’habitants.
De plus, le Niger possède moins de ressources économiques que le Gabon, car le pays sahélien dépend de l’uranium principalement et du pétrole pour ses exportations tandis que le Gabon dispose d’une plus grande variété de ressources minières (pétrole, manganèse, fer) et forestières (grumes) et d’immenses terres arables. Mais les réalités politiques sont également différentes. Le Niger est en proie à l’insécurité djihadiste notamment à sa frontière avec le Burkina Faso et le Mali depuis l’effondrement de la Libye en 2011. Cette insécurité est la cause des bouleversements brutaux que l’on observe au Mali et au Burkina Faso. Les deux pays abritent des bases militaires françaises sur leur sol.
Une transition en marche au Gabon en toute stabilité
La prise de pouvoir au Gabon par les militaires du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) a été saluée par toutes les composantes de la société gabonaise. Les partis politiques, les confessions religieuses, les ONG, la société civile ont unanimement accueilli avec joie l’arrivée des militaires au pouvoir. Il est vrai que ces derniers étaient face à un dilemme, à savoir : être responsables du bain de sang qui découlerait de l’annonce de la victoire d’Ali BONGO ONDIMBA pour un 3e mandat à l’issue d’une élection contreversée ou bien mettre un terme à un régime illégitime et entamer un processus de restauration des institutions républicaines vers une véritable démocratie.
En patriotes, ils ont donc décidé de lancer la transition et c’est ce processus qui est en cours. La communauté internationale n’a eu d’autre choix que d’admettre cette réalité et ne reconnait plus Ali BONGO ONDIMBA comme le chef d’État légal du pays. Preuve que ce changement a été définitivement acté, l’ancien président Ali BONGO ONDIMBA a non seulement été remis en liberté, mais en plus, il a même annoncé sa volonté d’aider la transition qui l’a renversé ! Seule l’ancienne première dame SYLVIA BONGO ONDIMBA est en résidence surveillée et son fils aîné Noureddin BONGO VALENTIN est poursuivi pour haute trahison par la justice gabonaise. Le Gabon n’a subi aucune sanction économique et toutes ses frontières terrestres, maritimes et aériennes sont de nouveau ouvertes.
Une transition très compliquée au Niger
Quant au Niger, c’est une autre paire de manches. La prise de pouvoir par les militaires a déclenché une grave crise internationale. La CEDEAO a déclenché un train de sanctions économiques contre Niamey. La France et l’UE qui ont condamné le coup d’État ont par ailleurs suspendu leurs appuis budgétaires au pays. La communauté internationale refuse de reconnaitre la transition déclenchée par les membres du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et demande la restauration de Mohamed BAZOUM dans ses fonctions présidentielles. Le Niger reste sous la menace d’une intervention militaire de la CEDEAO, soutenue par certains pays.
Le Président BAZOUM, qui refuse d’abandonner le pouvoir, demeure en résidence forcée au palais présidentiel avec son épouse et son fils. La tension diplomatique est à son paroxysme avec le retrait de l’immunité diplomatique de l’ambassadeur français Sylvain ITTE par le CNSP qui demande le départ des 1 500 soldats français stationnés sur le territoire nigérien. Les frontières terrestres et aériennes sont encore fermées avec les pays de la CEDEAO qui appliquent les sanctions.
Des situations diamétralement opposées
Les changements des régimes de Mohamed BAZOUM et d’Ali BONGO ONDIMBA ont donc en réalité peu de points communs. On a d’un côté du Gabon les militaires du CTRI qui dirigent la transition avec l’adhésion de toutes les forces vives du pays et la reconnaissance de la communauté internationale, sans aucune sanction économique en représailles. Un gouvernement de transition a été installé ainsi que les autres institutions (Cour constitutionnelle, Assemblée nationale, Sénat). De l’autre côté, il y a le Niger dont le CNSP et son gouvernement ne sont toujours pas reconnus par la communauté internationale et font l’objet de sanctions économiques. Autant d’arguments qui prouvent qu’il n’y a pas eu de putsch au Gabon.