RACHAT D’ASSALA ENERGY - La GOC fait du Gabon le 2e producteur de son pétrole.
Depuis le 21 juin 2024, Gabon Oil Company (GOC) est officiellement propriétaire d’Assala Energy, deuxième compagnie pétrolière du pays. Pourquoi les autorités de la Transition ont-elles tenu à racheter cette société ? Combien cela a-t-il coûté à l’État gabonais ? Quel avenir pour les employés ? Focus sur ce qui s’apparente déjà au plus gros coup des militaires depuis leur arrivée au pouvoir fin août dernier.
Lundi 1er juillet 2024 au palais du bord de mer à Libreville se tenait une cérémonie pour le moins attendue : la réception officielle des documents actant le rachat définitif du Groupe Assala Energy par l’État gabonais, par l’entremise de la Société nationale des hydrocarbures du Gabon (SNHG - plus connue sous l’appellation Gabon Oil Company). Présidée par le général Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, cette cérémonie à laquelle a pris part l’ensemble des membres du gouvernement aux côtés d’autres collaborateurs du président de la Transition, dont les membres du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), intervenait 10 jours après l’annonce par le groupe Carlyle de la finalisation de la vente de sa filiale pétrolière et gazière. Six mois plus tôt, à l’occasion de son adresse à la nation, le 31 décembre au soir, le chef de l’État avait rendu publique l’intention du Gabon d’user de son droit de préemption à la suite de l’accord passé entre Maurel & Prom et le groupe américain Carlyle qui cédait alors ses actifs dans le pays.
Le 15 août 2023, en effet, Maurel & Prom S.A. avait signé un accord d’achat d’actions l’acquisition d’Assala Energy UK Limited auprès de The Carlyle Group Inc. Montant de la transaction : 730 millions de dollars. Mais la joie de l’opérateur français a été de courte durée, d’autant qu’elle avait été contrainte, le 16 février 2024, d’annoncer l’annulation de son deal avec le groupe américain. La veille, le droit souverain de préemption de GOC avait remplacé le SPA signé avec Carlyle six mois plus tôt. Dès lors, pourtant conscientes des difficultés financières du Gabon, beaucoup s’étaient demandé pourquoi les nouvelles autorités tenaient tant à ce rachat. La réponse leur a été donnée à l’occasion de la cérémonie au Palais par le chef de file du CTRI lui-même.
Une transition prévue pour durer 2 ans (septembre 2023 – août 2025)
C’est une transition de 24 mois qui a débuté en septembre dernier avec la rencontre des forces vives de la nation. En effet, dès la prise de pouvoir par les militaires du CTRI, ces derniers avaient immédiatement organisé de larges consultations avec les représentants religieux, les représentants de la presse, les acteurs politiques, les représentants de la société civile et les opérateurs économiques.
À la suite de ces rencontres, le CTRI avait, durant le mois d’octobre, procédé à la mise en place des organes de la transition, à savoir : la Cour constitutionnelle, le gouvernement, l’Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Une volonté d’affirmer la souveraineté du Gabon
Le rachat d’Assala Energy par GOC ne s’est pas fait sans difficulté. Loin de là ! Pourtant, au sommet de l’État, on soutient que c’était nécessaire, voire vital pour la souveraineté du Gabon. Et lors de la cérémonie de remise de l’acte de rachat de cette société, le général Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA n’a pas manqué de le marteler. Selon lui, au-delà de sa volonté de faire de Gabon Oil Company un opérateur pétrolier à part entière, il s’est agi surtout d’« une forme d’affirmation de notre souveraineté ». D’autant plus, a-t-il rappelé, que « notre pétrole a toujours été produit et exporté par des partenaires étrangers ». Or, grâce à cette action, le pays qui vient de se réapproprier une part importante de son pétrole 67 ans après son Indépendance sera à même d’exploiter d’autres puits pétroliers non exploités à ce jour, simplement pour des raisons de stratégie commerciale.
« En prenant la résolution de racheter la société Assala Energy, j’étais conscient de l’adversité que cela susciterait de la part de certains compatriotes et de lobbys financiers étrangers qui ne partagent pas notre besoin légitime d’indépendance économique. Malgré les obstacles rencontrés, les véritables patriotes sont restés unis et déterminés, gardant à l’esprit l’ambition pour notre pays de devenir producteur de notre pétrole. Cette acquisition, dont nous pouvons être fiers, permettra à terme d’augmenter nos recettes, nous permettant ainsi de réaliser nos nombreux projets de développement avec plus de marges. La réussite de cette opération qui contribue à rendre au peuple gabonais sa dignité démontre une fois de plus la crédibilité des autorités de la Transition », a défendu le président de la République.
Combien ça coûte ?
En décidant de racheter les actifs de Carlyle opérés par Assala Energy au Gabon, les autorités de la Transition étaient conscientes que cela coûterait cher à l’État. Et elles n’ont pas eu tort. L’opération d’acquisition de la société dont la production journalière est estimée à 52 000 barils s’est finalement soldée à 1,055 milliard de dollars, soit 633 milliards de francs CFA, un montant légèrement inférieur aux 1,3 milliard de dollars initialement annoncés.
Le financement de cette acquisition a été rendu possible grâce à un prêt du géant suisse du négoce pétrolier Gunvor. Un prêt que l’État gabonais devra rembourser sur une période de cinq ans, a précisé à la presse Marcellin SIMBA NGABI, directeur général de GOC, par ailleurs nouveau CEO d’Assala Energy. Les modalités de remboursement prévoient des versements de 20 millions de dollars par mois, soit 12 milliards de francs CFA, pour un total annuel de 144 milliards de francs CFA (240 millions de dollars). Ces remboursements débuteront en septembre 2024.
Dans les faits, cette opération de rachat censée donner lieu à la création d’une holding pétrolière nationale étant entendu que le pays envisage de contribuer jusqu’à 25% de la production pétrolière nationale, s’est déroulée en deux phases : la première ayant consisté, le 15 février 2024, à la signature du contrat d’achat entre GOC et le fonds de pension américain Carlyle. Un dépôt de garantie d’environ 123 milliards de FCFA avait été effectué à cet effet. La seconde phase, quant à elle, a consisté à régler, le 21 juin dernier, les 513 milliards de francs CFA restants et 12 milliards de francs CFA de frais de droit de tirage.
« Cette opération historique pour notre pays a été réalisée sans obérer la dette publique. En effet, le mécanisme ingénieux mis en place pour la réussite de cette opération était articulé autour de Gabon Oil Company, utilisé comme véhicule financier stratégique au service de notre pays », a assuré Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA.
Vers l’ouverture d’un plan social ?
Le rachat par GOC d’Assala Energy ne manque pas de susciter des interrogations, voire des inquiétudes au sein de la société pétrolière où plusieurs dizaines de Gabonais sont employés. Certains évoquent un toilettage des effectifs, d’autres craignent une sorte de remplacement. Le nouveau propriétaire a déjà assuré qu’il n’en sera rien. D’autant qu’il s’agit d’une des principales instructions du président de la Transition adressées à Marcellin SIMBA NGABI. « Il n’y a aucun souci. Que les gens ne s’inquiètent pas. Ils vont continuer leur activité dans Assala qui sera désormais géré par les Gabonais », a déclaré le nouveau CEO au terme de la cérémonie de remise de l’acte de rachat.
« Nous allons garder et conserver tous les emplois. Il n’est pas question de revoir les emplois d’Assala. C’est clair. Nous avons racheté la société, les équipements et les biens, nous avons aussi fait le transfert direct des contrats et donc du personnel », a ajouté le nouveau patron d’Assala Gabon.
MATTHIEU K.M.