MÉCANISMES DE FINANCEMENT INNOVANTS, Pour une protection durable de la nature et de la biodiversité
Le One Forest Summit de Libreville coorganisé par la France et le Gabon s’est penché notamment sur le financement de la protection de la diversité biologique à travers les mécanismes de financement innovants (MFI). Bien que les débats se soient limités aux crédits carbone et certificats de nature, il existe néanmoins plusieurs autres MFI. Tour d’horizon de ces nouveaux financements destinés à la préservation de l’environnement et à la lutte contre les changements climatiques.
De nouveaux mécanismes pour faire face à une nouvelle menace
La mise en œuvre des moyens de protection et de préservation de l’environnement à l’échelle mondiale vise un double objectif à savoir la limitation du réchauffement du système climatique et la protection de la biodiversité. À ce titre, les forêts tropicales et primaires constituent le socle essentiel pour l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), des objectifs de l’Accord de Paris sur le Climat (COP21) de 2015 et des objectifs de la Convention sur la protection de la diversité biologique (COP15) de Kunming-Montréal de 2022. Ces enjeux sont au cœur de tractations dans le cadre du One Forest Summit entre pays industrialisés et grands responsables de la pollution et ceux peu industrialisés qui sont les grandes victimes des changements climatiques et de la dégradation de la biodiversité.
Ces mécanismes devront bien entendu être suivis d’une réduction substantielle et progressive d’investissements néfastes pour la biodiversité d’au moins 500 milliards par an d’ici à 2030 selon les experts du Global Environment Facility.
Le financement comme enjeu global de lutte pour la préservation de la biodiversité
Les conventions sur les changements climatiques (COP15) de Copenhague en 2009 et de Cancún (COP16) de 2010 ont été les premières à se pencher sur ces enjeux globaux. En raison du lien existant entre le changement climatique et la biodiversité, les pays industrialisés s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an à l’horizon 2020. Malheureusement, après deux années de pandémie Covid-19 et plus d’un an après le déclenchement de la guerre en Ukraine dont les effets mettent à mal les économies des pays industrialisés, les capacités de mobilisations de ressources financières de ces derniers se sont considérablement restreintes.
Reconnaitre le déficit béant en matière de financement pour la biodiversité à l’échelle mondiale justifie la recherche de mécanismes de financement innovants (MFI) provenant notamment d’investisseurs publics, privés, nationaux et internationaux, bilatéraux et multilatéraux pour mobiliser pas moins de 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030. Depuis une décennie, les MFI sont devenus des enjeux au cœur des négociations internationales.
Les MFI pour la matérialisation des engagements financiers
La Conférence de Monterrey sur le financement du Développement du 18 au 22 mars 2022 qui constitue par ailleurs un cadre de référence en matière de financement du développement prévoyait l’apport de ressources financières (investissements publics ou privés) par les pays industrialisés et la mise en œuvre d’un cadre approprié pour faciliter l’accès aux investissements étrangers par les pays sous-développés. Ces mécanismes de financement innovants (MFI) visent donc à lever de nouvelles ressources en faveur de la protection de la biodiversité et du développement. On distingue principalement 3 catégories de financement dont les objectifs sont différents. En effet, il y a les dispositifs de captation des ressources publiques, les instruments financiers qui favorisent l’investissement du secteur privé (ou investissement public dans les pays en développement) et enfin les dispositifs visant à orienter les financements déjà existants.
Les dispositifs de captation des ressources publiques
Pour ce qui concerne la catégorie des dispositifs de captation des ressources publiques, il s’agit de ressources fiscales et de prélèvements obligatoires auxquels s’ajouteraient les aides publiques au développement (APD). Certaines font même déjà l’objet d’étude dans certains pays industrialisés notamment pour la taxe sur les transactions financières, la taxe carbone, la taxe sur le trafic aérien et maritime international, les obligations vertes (crédits carbone et certificats de nature) ainsi que d’autres contributions incitées par la réglementation telles que les investissements sur des projets pétroliers, etc. Ces ressources seraient offertes aux pays bénéficiaires sans aucune restriction.
Les instruments financiers d’incitation à l’investissement par le secteur privé
Pour la seconde catégorie relative aux instruments financiers favorisant l’investissement privé, il s’agit pour les pouvoirs publics d’alléger ce fardeau en partageant le risque avec les acteurs du secteur privé. Pour cela, les États sollicitent le financement privé à travers des opérations issues de fonds fiduciaires, des prêts bonifiés et des rachats de crédits (AFD, IDA Buy Down etc.), des engagements d’achats (Advance Market Commitment, etc.), assurances, garanties d’emprunt, les prêts en cas de catastrophe majeure (Multicountry Catastrophe Insurance pool) ou les contrats avec objectifs environnementaux (contrats dette/nature, etc.)
Les dispositifs visant à orienter les financements déjà existants
Enfin, cette dernière catégorie concerne les mécanismes financiers qui orientent les financements déjà existants. Il s’agit en réalité de construire par le biais de la coopération des synergies entre les États à travers des partenariats tels que le processus REDD+ qui soutient les pays en développent dans leurs efforts visant à atténuer les effets des changements climatiques. Il existe également des processus issus de la réforme des subventions allouées aux énergies fossiles afin de les orienter vers des projets liés à la préservation de la biodiversité et de l’environnement.
Le sommet de l’espoir ?
Le One Forest Summit de Libreville aura été l’occasion de se pencher sur les moyens de partage du fardeau du changement climatique et de la destruction de la biodiversité, un fardeau porté principalement par les pays en voie de développement. Bien que les agendas économiques des pays industrialisés soient perturbés par la succession des crises sanitaire, sécuritaire, alimentaire et financière au cours de ces trois dernières années, les défis liés aux crises écologiques et climatiques ne doivent cependant pas être reportés aux calendes grecques, car le devenir de toute l’humanité en dépend. Il est donc indispensable pour les pays sous-développés de maintenir une pression constante sur les pays développés afin qu’ils respectent leurs engagements notamment financiers, car la survie de leurs populations et de leurs écosystèmes est d’ores et déjà gravement menacée.
Jean Paul Augé OLLOMO