FORÊTS & BOIS, Pour une exploitation durable et une meilleure valorisation

Quelles sont les bonnes pratiques en matière d’exploitation forestière ? Comment les promouvoir auprès des opérateurs économiques et surtout comment permettre aux locaux d’en profiter pleinement, tout en valorisant le bois ? Telles sont les questions auxquelles les participants du workshop autour des chaînes de valeur durables dans le secteur forestier ont tenté de répondre au moment d’aborder, lors du One Forest Summit de Libreville, la question de l’exploitation durable des forêts et la valorisation des produits du bois. Au cours de cet atelier ayant duré deux journées, beaucoup a été dit, plusieurs propositions ont été faites que nous vous résumons dans ce dossier.

Promouvoir les bonnes pratiques et assurer la prospérité des locaux. Blaise LOUEMBE (Gabon)

Ministre d’État au Développement industriel et des petites et moyennes industries, Blaise LOUEMBÉ a officiellement ouvert les travaux du panel consacré à la promotion des chaînes de valeur durables dans l’exploitation forestière. D’emblée, le membre du gouvernement gabonais a tenu à rappeler l’importance de ce sommet qui, selon lui, a traité «une problématique majeure pour le développement de notre planète et pour notre pays en particulier ». Or, pour parvenir à une meilleure valorisation du bois, l’implication des États est nécessaire, mais cela nécessite aussi des démarches individuelles de la part des consommateurs, ainsi que la transformation des modèles économiques des entreprises et sociétés industrielles, a-t-il estimé. En somme, la marche vers de nouveaux paradigmes, créateurs de chaînes de valeur durables.

Pour le ministre d’État gabonais, promouvoir de bonnes pratiques en termes d’exploitation forestière pour une utilisation durable des forêts tropicales permettra aux communautés de prospérer et de protéger le savoir-faire local tout en préservant les réserves vitales de carbone et de biodiversité capturées dans ces écosystèmes. Sur le sujet, il n’a pas manqué de vanter le caractère avant-gardiste du Gabon qui « dispose d’un cadre législatif réglementaire solide servant de support juridique à l’établissement des politiques publiques exemplaires, dans ce sens les sociétés qui s’implantent doivent prendre en compte dès la conception et l’implémentation de leurs unités de production tous les impacts environnementaux possibles pour que leur processus de fabrication soit le plus compact et le moins polluant ». Le pays impose, en effet, aux exploitants de s’assurer que le taux d’exploitation des ressources naturelles soit inférieur à leur taux de reproduction ou de régénération.

« Le Gabon s’est lancé dans une politique d’industrialisation de grumes afin de stimuler la création d’un maximum d’emplois au niveau national, mais également d’améliorer la qualité de vie des populations locales et dépendantes des forêts », a rappelé Blaise LOUEMBÉ, expliquant que la mesure d’interdiction d’exportation des grumes prise en 2010 visait principalement « la maîtrise de l’exploitation de ressources forestières», à travers le contrôle des unités de transformation. Une politique nationale qui a d’ailleurs valu au Gabon d’être honoré plus d’une fois à travers la Zone économique spéciale de Nkok.

Les autorités gabonaises ont estimé que les chaînes de valeur durables pour lesquelles les travaux du One Forest Summit aspiraient à en faire la promotion sont, entre autres, la certification des installations, la traçabilité des productions, les revenus des producteurs et la garantie des emplois pérennes pour les populations locales et dépendantes des forêts.

Utiliser moins de béton, moins de ciment.

Christophe BÉCHU (France) Assurant la représentation de la coprésidence française à l’occasion de l’ouverture de l’atelier, Christophe BÉCHU a d’abord tenu à rappeler aux participants que la bataille contre les règlements climatiques ne se gagnera pas sans les forêts tropicales. Pourtant, ces 30 dernières années, à l’échelle mondiale, la surface forestière n’a pas cessé de reculer. Certains parlent de près de 400 millions d’hectares. « Cette réalité doit nous interpeller parce que, avec des émissions qui progressent et une forêt qui recule, nous menaçons notre planète par les deux bouts en diminuant notre potentiel de séquestration et en ne freinant pas suffisamment les émissions », a lancé le ministre français de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires pour qui la tenue de ce sommet est une sorte de croiser des chemins à la fois entre les déclarations de la Cop26 sur l’importance des forêts pour lutter contre les dérèglements climatiques et de la COP15 qui vient de se tenir sur la préservation de la biodiversité.

Mais le membre du gouvernement français a surtout rappelé que le workshop autour des chaînes de valeur durables visait à répondre à une préoccupation majeure : « Comment faire en sorte qu’une exploitation durable des forêts, qui ne sont pas les forêts primaires tropicales, permette une juste rémunération, mais nous permette aussi d’aller récupérer un matériau bas carbone, le bois, qui nous aidera en particulier dans le secteur de la construction avec les défis que nous avons à l’échelle planétaire, à utiliser moins de béton moins de ciment et à faire en sorte d’être globalement dans des logiques qui sont elles-mêmes plus vertueuses. »

Christophe BÉCHU en est d’ailleurs convaincu, « le bois, quand on s’en occupe de manière sérieuse et responsable, ce sont des emplois. C’est ce qui explique en particulier la spectaculaire progression de ce secteur [au Gabon] et avec cette idée qu’une partie de la transformation se passe sur place, pour générer de la valeur ajoutée et ainsi permettre des retombées économiques, et pour faire en sorte aussi qu’on soit déjà dans des débuts de chaînes de valeur durables »,

« Cet atelier est crucial parce qu’il est basé sur le comment on construit une chaîne économique dans laquelle effectivement on assume l’importance du bois matériaux et dans le même temps on fait en sorte d’en financer une partie de ce qui produit quand il n’est pas issu de cette déforestation, mais d’une exploitation durable », a commenté le ministre français présentant les travaux de ce workshop comme « une partie de la solution à la préservation de la biodiversité, une partie de la réponse à la façon de lutter efficacement contre les dérèglements climatiques ».

Tenir compte des nouvelles données scientifiques. Rosalie SAFOU (Congo)

Présente elle aussi à Libreville dans le cadre de ces deux jours de travail, la ministre de l'Économie forestière de la République du Congo n'a pas manqué de vanter quelques mérites de son pays en matière de gestion durable des forêts tropicales, bien que reconnaissant que beaucoup reste à faire dans le sens de la promotion et une véritable mise en pratique des chaînes de valeur durables. Qu'à cela ne tienne, pour le moins confiante, elle a présenté cette rencontre comme «la solution» de nos pays pour un marché local du bois plus vertueux.

« Comme nous le savons tous, notre monde fait face à un double défi : d'une part, il nous faut coûte que coûte infléchir la courbe croissante du dérèglement climatique et d'autre part nous devons parvenir à atténuer la pression sur les ressources naturelles, notamment sur les forêts, dans un contexte caractérisé par l'explosion démographique. Ce sombre tableau ne laisse pas le choix à l'humanité que d'opposer à ces maux de grands remèdes. C'est une question de survie qui fait ressentir unanimement à la communauté internationale le besoin d'aller plus loin, de faire encore plus, notamment en matière de gestion durable des forêts, surtout des forêts tropicales réputées poumons de l'humanité », a prévenu Rosalie SAFOU pour qui les données scientifiques issues d'anciennes recherches et sur lesquelles se base le cadre normatif sont aujourd'hui « caduques ».

La ministre congolaise estime en effet que, en dépit du fait qu'elles aient produit des résultats probants jusqu'ici, les pratiques telles que le zonage et la rotation, l’exploitation à faible impact construite sous la base des études et inventaires divers ne suffisent plus à contenir les effets et les impacts d'une exploitation forestière peu maîtrisée. « La consolidation, le renforcement de la gestion durable des forêts que nous souhaitons tous doivent désormais se traduire par la production et la prise en compte des nouvelles données scientifiques fiables, solides, constructives, sur la base d'une recherche forestière soutenue », a-t-elle exhorté.

En attendant, convaincu qu'une meilleure gestion durable des forêts contribuerait davantage au développement des pays du bassin du Congo, Brazzaville propose de s'inspirer de ses projets visant à « assurer le suivi de la légalité de l'ensemble de la production forestière de bois, qu'elle soit orientée vers l'exportation ou vers la consommation nationale ». Il s’agirait notamment de promouvoir l'utilisation des essences encore non valorisées, promouvoir les produits du bois transformé, organiser et améliorer l'accès au marché du bois, définir des options de récupération (rebut), créer un marché local compétitif et attrayant au bénéfice des opérateurs nationaux et étrangers, réaliser des infrastructures marchandes de type centres de commercialisation et d'approvisionnement, etc.

Quid de la certification ?

Pour de nombreux experts, la gestion durable des forêts tropicales au bénéfice aussi bien des acteurs du secteur que des populations passe par la certification. Mais pour cela, il faudrait engager d’importants moyens financiers. Pour sa part, le Gabon n’a pas hésité à franchir le pas à travers son Programme de certification forestière, financé par l'Initiative pour la forêt de l'Afrique centrale (CAFI). Présenté comme un outil indispensable, celui-ci vise à appuyer le développement durable et productif du secteur forestier, en soutenant les efforts de l’État à assurer une gestion forestière durable et à réduire l'exploitation forestière illégale.

« La certification forestière est un point important pour sécuriser la gestion durable de nos forêts naturellement, mais je pense qu'il faut considérer le sujet à deux niveaux : d’abord celui des grandes entreprises forestières qui ont une marge qui leur permet d'investir effectivement dans toute la chaîne de traçabilité et de l'exploitation du bois légal. Et à ce titre la Commission des forêts d'Afrique centrale à un programme d'accompagnement des entreprises de la sous-région. Ensuite, le niveau des locaux qui gèrent des petites forêts communautaires et ne peuvent donc pas s'engager vers la certification ; ce qui veut dire qu’il y a une décision politique à prendre à deux niveaux », a déclaré Hervé Martial MAIDOU. Le secrétaire exécutif du Comifac estime par ailleurs que cette décision politique doit être accompagnée par « une fiscalité incitative», en vue de permettre aux petits artisans de travailler légalement.

« Les sociétés forestières certifiées sont en fait des ONG qui s'ignorent, a commenté le modérateur du panel. Elles font un travail d'ONG, mais s'appellent secteur privé engagé, secteur privé certifié et autofinancent leur travail au quotidien. On a une bonne nouvelle : à l'horizon 2025, on aura 10 millions d'hectares certifiés dans le bassin du Congo. On ne s'y attendait pas, mais un certain nombre de mécanismes d'encouragements de politique ont fait en sorte que cet objectif est quasiment assuré parce que les choses sont en marche entre le Gabon, le Cameroun et la République du Congo, alors qu’on avait plafonné à 5,5 millions d'hectares.»

Griffin ONDO

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