CRISE RUSSO-UKRAINIENNE, Les impacts sur l’Afrique

L’Afrique fait face à une grave crise énergétique et alimentaire consécutive au déclenchement du conflit en Ukraine, il y a près d’un an. En pleine reprise économique post-pandémie Covid-19, comment les pays africains ont-ils traversé 11 mois de crise ? Avec la flambée des prix de l’énergie et des denrées agricoles, comment ces pays, parmi les plus pauvres de la planète, y font-ils face ? Éléments de réponse.

Des crises liées au déclenchement de la guerre en Ukraine

À peine sortie de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid19 que le monde bascule de nouveau dans une crise politico-militaire aux effets bien plus dévastateurs avec la guerre qui fait rage en Ukraine. Près d’un an après le déclenchement de ce conflit qui semble parti pour s’enliser, les conséquences économiques et sociales de ces évènements sont déjà largement perceptibles sur le vieux continent. En effet, la forte dépendance aux importations des denrées agricoles russe et ukrainienne et la flambée des prix du pétrole et du gaz sur les marchés fragilisent fortement des économies déjà affaiblies par deux années de crise sanitaire. Pour y faire face, les gouvernements africains disposent de peu de marge de manœuvre en raison des fortes tensions budgétaires dont ils font l’objet.

L’Afrique fortement dépendante des exportations russes et ukrainiennes

Le principal problème auquel font face les pays africains est lié aux matériaux et aux approvisionnements en produits agricoles. En effet, la Russie et l’Ukraine comptent au total plus de 30% de la production mondiale de blé et 80% de la production d’huile de tournesol. Avant le déclenchement du conflit, l’Afrique avait importé pour 4 milliards de dollars de produits agricoles de Russie et pour 3 milliards de dollars en Ukraine. Le blé représentait 69% de ces importations, le maïs 21%, l’huile de tournesol 6%, l’orge 3% et le soja 4%. L’Afrique du Nord comptabilise près de la moitié de ces importations avec l’Égypte suivie de la Tunisie, du Maroc, de l’Algérie et de la Libye. L’Afrique subsaharienne n’est pas en reste, car le Kenya, l’Éthiopie et l’Afrique du Sud sont également des importateurs de produits agricoles russes et ukrainiens. Pour bien saisir cet impact sur les populations africaines, il faut noter que l’Afrique dépend de 45% du blé et d’huile de tournesol, de 30% d’orge ainsi que, dans une moindre mesure, du maïs et du soja en provenance de la Russie et de l’Ukraine.

En outre, la Russie et l’Ukraine sont exportatrices d’autres produits le soufre, les combustibles minéraux, les produits chimiques et les engrais, essentiels pour la production agricole, ou encore les matériaux en fer, en acier ou en cuivre utilisés dans la construction d’infrastructures. Tous ces produits sont maintenant impactés par la guerre, car leur approvisionnement est rendu plus difficile. L’augmentation de 95% du prix des engrais phosphoriques, de 78% de l’urée, de 138% des engrais potassiques, le coût est devenu insupportable pour les agriculteurs africains qui ont vu le rendement de leurs exploitations fondre au point de menacer leur sécurité alimentaire.

La guerre en Ukraine a désorganisé les chaînes d’approvisionnement et l’embargo contre la Russie a décuplé les prix des denrées agricoles. Ainsi, de nombreux pays africains sont affectés par cette situation : la Tunisie, le Soudan, l’Éthiopie, les pays de l’Afrique de l’Ouest tels que le Bénin, le Togo, le Mali, la Côte d’Ivoire et l’Égypte. Pour ce dernier, la situation représente un véritable défi pour sa sécurité alimentaire. Le pays des pharaons est le premier importateur mondial de blé avec 12 millions de tonnes par an, dont 50% proviennent de la Russie et de l’Ukraine. Bien que l’accord sur l’exportation des céréales depuis les ports de la mer noire ait été prolongé de 4 mois en novembre dernier, il n’en demeure pas moins que cette instabilité peut engendrer des risques de pénurie, étant donné le peu de fournisseurs alternatifs. En effet, les seuls pays capables de répondre aux besoins des pays africains se trouvent soit en Europe (France, Allemagne, Hongrie, Bulgarie, Roumanie), soit en Amérique du Nord (États-Unis, Canada). D’autres pays ont fait le choix de restreindre leurs exportations (Indonésie, Argentine) pour sécuriser leur consommation nationale.

Une flambée des prix inquiétante

Outre la question de l’approvisionnement, celle liée à l’envolée des prix est toute aussi alarmante. En effet, en dépit du fait que les prix avaient commencé leur flambée durant la pandémie de la Covid19 (selon la FAO les huiles avaient augmenté de 60% et les céréales de 30% entre 2020 et 2021), il n’en demeure pas moins que le conflit en Ukraine a aggravé la situation. Ce phénomène touche malheureusement tous les pays africains y compris ceux qui n’ont pas d’échanges commerciaux avec la Russie et l’Ukraine. En effet, l’annexion de la Crimée par la Russie et les sanctions économiques qui en sont suivies avaient grimpé de 25% le prix du blé en 2 mois !

Les perturbations de l’approvisionnement mondial et les hausses des prix des céréales aggravent sans nul doute une situation qui était déjà exacerbée par la crise sanitaire de la Covid19. Pour le continent qui abrite plus de 65% des pays les plus pauvres de la planète, les hausses des prix des denrées alimentaires sont une préoccupation pour les pouvoirs publics au regard du nombre des personnes souffrant de sous-alimentation chronique en hausse de plus de 20% selon l’OMS, en plus des mauvaises conditions climatiques de 2022, à l’instar de la sécheresse qu’ont connue les pays de la corne de l’Afrique (Éthiopie, Somalie, Madagascar) et les pluies diluviennes enregistrées en Afrique australe (Zimbabwe, Afrique du Sud). Les importations ne couvrant plus le déficit des récoltes locales, les besoins alimentaires des populations les plus pauvres ont contraint la FAO à placer dès mars 2022 une dizaine de pays africains en vigilance orange. L’insécurité alimentaire n’est pas la seule menace que fait peser le conflit russo-ukrainien sur les économies africaines, il y a également la crise énergétique.

Une envolée des prix du carburant

La Russie est le premier producteur mondial de gaz naturel et 3e producteur de pétrole brut. Les prix de l’énergie ont connu une envolée significative depuis le déclenchement du conflit avec l’Ukraine. Les conséquences se sont immédiatement fait sentir au niveau des équilibres budgétaires des États africains qui ont été impactés en fonction des mécanismes de fixation des prix du pétrole dans chaque pays. Les augmentations des prix de l’énergie au niveau mondial ont été plus fortes que celles des denrées agricoles selon le FMI. Ainsi durant l’année 2022, on a observé une multiplication par 5 des prix du gaz, par 3 pour le charbon et par 2 pour le pétrole. Entre février et mars 2022, le prix des énergies a ainsi augmenté de 30% (dont 40% pour le gaz et le charbon). Les pays les plus impactés sur le continent sont ceux qui ont déjà une économie fragile (Burkina Faso, Guinée, Mali, Soudan, Ouganda). Même les pays pétroliers ne sont pas à l’abri de ces fortes variations. En effet, le prix du gazole a été multiplié par 3 au Nigéria depuis la mimars 2022, pourtant premier producteur africain de pétrole brut, mais qui resté très dépendant des importations de carburants. D’autres pays pétroliers comme le Gabon, l’Angola et le Congo-Brazzaville subventionnent massivement les produits pétroliers afin de maintenir un prix à la pompe acceptable.

Pour faire face à ces situations de crise multiples, les États africains disposent de peu de marge de manœuvre en raison des équilibres budgétaires déjà très fragilisés par la crise sanitaire. Ils doivent à la fois faire preuve de résilience tout en évitant un effondrement du pouvoir d’achat des familles les plus modestes et soutenir leur secteur productif face à une augmentation des prix des intrants dans les secteurs agricoles et des infrastructures. De nombreux États, en subventionnant massivement les produits agricoles et les carburants, accroissent leur endettement afin d’éviter de déclencher des troubles sociaux. Cependant, étant donné leur situation économique et budgétaire, de tels filets de protection ne peuvent être déployés indéfiniment au regard de leur coût exorbitant. Malheureusement, ces solutions ne se limitent qu’au court terme.

Des solutions aux causes structurelles doivent être privilégiées Pour sortir de cette situation, l’Afrique doit plutôt voir ce conflit comme une opportunité pour s’attaquer aux causes structurelles profondes qui sont la cause de ses difficultés. À cet effet, des solutions sur le long terme doivent être privilégiées notamment par le financement de projets dans les secteurs tels que l’agriculture et la pêche, en favorisant les implantations agricoles et halieutiques dans des zones désertées par les populations afin d’encourager le repeuplement des zones rurales. Un accent prioritaire doit être mis sur les petites entreprises artisanales et les exploitations agricoles, en encourageant notamment la création de coopératives. Des facilitations pour l’accès aux intrants (semences et engrais), un appui logistique (engins agricoles, véhicules de transport) ainsi que des avantages fiscaux doivent être mis en place.

Un accent particulier devra également être mis sur les infrastructures principalement les routes afin de permettre à ces denrées alimentaires de trouver des débouchées dans nos zones urbaines. Pour permettre de faire face à la crise énergétique, l’Afrique doit multiplier les pôles industriels de transformation locaux du brut extrait sur son sol ainsi que son acheminement en priorité sur les marchés locaux et régionaux. Le continent africain a les ressources dont elle aurait besoin (notamment par le biais de la Zlecaf) pour faire face aux crises alimentaires et énergétiques futures. Seul reste la volonté politique.

Jean Paul Augé OLLOMO

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