Covid-19. Et maintenant, que faisons-nous ?

Covid-19. Et maintenant, que faisons-nous ?
Notre pays comme d’autres, traverse la crise sanitaire avec courage et dignité. Il s’agit pour un pays qui n’a jamais connu de rupture de paix proprement dite de livrer sa première guerre. Comme toute bataille, les dégâts sont énormes et à mon sens, il est impératif que l’Administration publique en charge puisse évaluer secteur par secteur, le bilan détaillé de cette crise sanitaire
De façon générale, nous avons perdu des compatriotes, 194 au moment où je rédige cette tribune. J’ai vu de mes yeux des entreprises fermer, des hommes et des femmes perdre leurs emplois et par conséquent le chômage exploser. Encore plus vicieux, la neutralisation de la dignité des chefs de famille parce qu’ils n’avaient plus d’argent, faire des économies ne faisant pas partie de la culture populaire, nos familles ordinaires étant astreintes à vivre au jour le jour.

Ce diagnostic que je viens de faire succinctement, chacun de nous peut le faire selon sa perception de la situation, mais pour moi, le plus important est désormais, le « que faisons-nous ? » que faisons-nous de toute cette misère surtout en tant que responsables politiques.

Dans toutes les écoles dans le monde et depuis que nous avons découvert la puissance de la Chine, on nous apprend que toute crise recèle des opportunités. La crise nous l’avons, mais où sont les opportunités ? C’est une question à laquelle nous devons répondre rapidement et de manière concrète, en agissant par les leviers du pouvoir que nous détenons.

Je tiens d’abord à préciser en attendant la liste exhaustive des secteurs économiques touchés par la Covid-19, qui pourrait être rendue publique par des administrations telles que la Direction générale de l’économie, que la plupart des entreprises qui ont été touchées sont des entreprises gabonaises. Je ne parle pas d’entreprises de droit gabonais pouvant être détenues par des expatriés, mais plutôt des entreprises dont le capital est détenu par des nationaux, petites et moyennes entreprises (PME).

Pour étayer mon propos, je m’appuierai sur une vérité accessible qui permettra à chacun de se faire une idée de la gravité de la situation. Les Gabonais ne sont pas dans le secteur de la petite distribution alimentaire, ce sont les ressortissants du Mali, du Sénégal qui détiennent les boutiques dans nos quartiers, d’où l’expression: « Aller chez le Malien ».

Ces petites boutiques, malgré le confinement dû à la crise sanitaire, ont bénéficié d’une dérogation d’ouverture par les autorités gabonaises, pour ne pas asphyxier nos compatriotes, qui de façon générale, s’alimentent à partir de ces points de distribution.

Autre exemple, les Gabonais ne sont pas dans le secteur de l’agroalimentaire, ce sont les ressortissants libanais, mauritaniens et français qui détiennent la plupart des grandes surfaces de distribution alimentaire. Encore une fois, les nationaux sont absents de ce secteur.

À titre comparatif, nos compatriotes gabonais sont dans le secteur du divertissement (dans le sens noble du terme). Ils détiennent les bistrots, les boites de nuit, les bars américains et sont aussi présents dans le secteur de la restauration. Ces secteurs ont complètement été fermés au plus fort de la crise, et même aujourd’hui, sont assujettis à des restrictions contraignantes. Le monde de la nuit, lui, est resté fermé jusqu’à présent.

La plupart des jeunes Gabonais qui se sont lancés dans ce secteur ont fait faillite, perdu leurs locaux du fait de ne pas être capables de payer des arriérés de loyers de plus d’un an. À Angondjé par exemple, j’ai appris que le « Live », un bar américain extrêmement populaire, avait fermé, parce que les propriétaires, de jeunes compatriotes ne pouvaient faire face au loyer alors que ce bar marchait bien et avait ouvert quelques mois avant la crise sanitaire. Les pertes et le traumatisme sont énormes.

Maintenant que c’est dit, que faisons-nous?

La première chose que le ministère de l’Économie et de la Relance aurait dû faire, est de mettre à la disposition des jeunes entrepreneurs nationaux en priorité un rapport sur les secteurs sinistrés par la Covid-19 et élaborer une stratégie de reprise en mains de ces différents secteurs. Quoi qu’il arrive, malgré les pertes énormes, certains compatriotes trouveront toujours le moyen de rebondir dans les mêmes secteurs.

Le deuxième rapport que la tutelle aurait dû mettre à la disposition des entrepreneurs est la liste des secteurs résilients, c’est-à-dire qui ont su résister au confinement général et à la crise elle-même. Pourquoi cela est-il important, parce que ce rapport donnerait une indication claire et nette au tissu entrepreneurial national, sur les secteurs dans lesquels les nationaux devront désormais investir en priorité, dans la perspective d’une crise à venir.

Le problème de notre pays est qu’on essaie toujours de résoudre les difficultés auxquelles nous faisons face dans l’urgence, sans y avoir consacré un temps d’analyse profonde. Les solutions proposées deviennent donc des solutions de très court terme, incapables d’avoir une portée durable.

Dans la perspective de la relance économique tant prônée par les autorités, du moins le ministère en charge, il faut d’abord mobiliser les moyens de la relance, à mon sens, le gouvernement le fait très bien même s’il utilise le ressort de l’emprunt. De ce que j’ai cru comprendre, 250 milliards de nos francs avaient été mobilisés pour aider à la relance économique. Ce ne sont pas les idées qui manquent puisque depuis, le PRE, plan de relance économique qui visait des remises d’impôts pour les entreprises qui préserveraient des emplois, s’est mué en PAT, Plan d’Accélération de la Transformation, avec des résultats plus ou moins visibles par exemple dans le secteur de la route et l’énergie. C’est à mon avis déjà quelque chose de positif dans un monde de désolation généralisée.

Il est vrai qu’au plus fort de la crise de la Covid-19, il y a eu des aides gouvernementales sur le transport, la prise en charge des factures d’eau et d’électricité, la mise en chômage technique de certains compatriotes et le maintien d’une allocation de 50 à 70% de leur salaire brut. Je ne parle même pas des aides alimentaires et des allocations spéciales du Président de la République pour la santé des Gabonais.

Relancer une économie, c’est aider les entreprises et susciter un investissement direct étranger (IDE) massif dans le pays. Il faut donc comprendre quels sont les besoins des entreprises. Est-ce faire face aux charges locatives, opérer la transition vers la digitalisation des services, faire monter en compétence les personnels donc un besoin direct de formation, de la liquidité pour certaines entreprises, un appui de l’état à l’emprunt bancaire ou simplement pour certaines, une prorogation du moratoire sur le remboursement de leurs dettes.

Ces spécificités auraient permis à la plupart des ministères en charge de mieux orienter leurs aides aux entrepreneurs locaux. Il faut savoir que toutes les entreprises n’ont pas nécessairement besoin d’une aide en numéraire. À la suite, il aurait été judicieux de mettre en place un bureau de suivi des entreprises ayant bénéficié des aides de l’État pour savoir quel est leur niveau de reprise et comment celles-ci absorbent le chômage créé par la crise sanitaire.

En ma qualité d’élu local, je dois dire que les collectivités locales n’ont pas été suffisamment mises à contribution dans le plan de relance économique du gouvernement. Les marchés (places dédiées au commerce), je le pense, sont des espaces qui peuvent par le moyen de l’action municipale, absorber une bonne partie du chômage. Cette crise sanitaire, aurait été l’occasion pour les conseils municipaux de réorganiser les espaces d’occupation à l’intérieur des marchés comme celui de Mont-Bouët, pour aboutir ne serait-ce qu’à un équilibre entre les commerçants expatriés et les nationaux. Je crois qu’il est toujours possible d’agir dans ce sens, si nous en avons la volonté et sans que l’on ne nous taxe d’être contre X ou contre Y.

En guise de mot de fin, je voudrais modestement encourager les autorités gabonaises à mettre en place un « avantage gabonais », c’est-à-dire, la capacité pour un Gabonais de faire les affaires dans son pays et de ne pas être taxé au même niveau que ceux qui possèdent d’autres nationalités.

On pourrait commencer par les ports et les aéroports pour donner un avantage compétitif à la nationalité gabonaise quand il s’agit d’importer des produits. Ce que je dis là n’est pas si extraordinaire puisqu’une loi existe qui revient sur la préférence nationale pour les emplois. En tant que responsables politiques, nous devons résoudre les problèmes de nos compatriotes en urgence. Si, nous ne le faisons pas, en considération de l’amour que nous avons pour ce pays, nous serons passés à côté de l’essentiel et de l’histoire.

Jo Dioumy Moubassango

Homme politique Gabonais

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