SOMMET DU G7, tentative de contrer l’expansion chinoise en Afrique ?

SOMMET DU G7, tentative de contrer l’expansion chinoise en Afrique ?
Le sommet des pays les plus riches de la planète a été l’occasion de réaffirmer leur soutien à l’Ukraine et leur condamnation de l’invasion russe. Elle a aussi été l’occasion d’annoncer la mise en œuvre d’une initiative en faveur du développement des infrastructures en Afrique. Pourquoi une telle initiative ? Quels en sont les enjeux ? Décryptage sur ce qui s’est présenté comme le grand retour de l’Occident en Afrique.

Une annonce en grande pompe lors du sommet de Krün

Réunis dans le cadre du luxueux hôtel Schloss Elmeau dans la région de Bavière en Allemagne du 26 au 28 juin derniers, les dirigeants des pays occidentaux réunis au sein du G7 (États-Unis, Canada, Angleterre, Italie, France, Allemagne) et leur allié japonais ont profité de cette rencontre informelle pour afficher leur front commun contre la Russie. Il faut signaler en outre que ce sommet avait pour invités officiels le président du Sénégal Macky SALL qui assurait également la présidence de l’Union africaine (UA) et de Charles Michel et Ursula Von der LEYEN pour l’Union européenne (UE). D’autres chefs d’États et de gouvernement avaient aussi été conviés à ce sommet à savoir Narendra Modi (Inde), Joko Wododo (Indonésie), Cyril RAMAPHOSA (Afrique du Sud) et Alberto FERNANDEZ (Argentine). Les objectifs de cette réunion visaient, entre autres, à mettre en œuvre une position diplomatique commune en soutien de l’Ukraine, à répondre aux défis que pose l’augmentation des prix de l’énergie, à définir les investissements en matière de climat et de santé et surtout des partenariats pour les investissements en infrastructure en Afrique. La problématique de l’investissement en Afrique vise notamment à contrer l’influence forte de la Chine sur le continent noir.

L’initiative chinoise « Une ceinture, une route »

Le géant asiatique a lancé en 2013 un projet ambitieux dénommé l’Initiative « La ceinture et la route » qui vise à matérialiser les engagements de la Chine en vue de l’affirmer comme une puissance mondiale. Cette initiative touche 3 continents (Europe, Asie, Afrique) soit 60% de la population mondiale selon les autorités chinoises. Il s’agit en fait d’un vaste programme de construction d’infrastructures terrestres, aériennes et maritimes afin de relier ces continents à la Chine. Près de 65 pays ont déjà adhéré à ce programme dont une vingtaine sur le continent africain. Afin d’accompagner la mise en œuvre des 1700 projets d’infrastructures de ce programme à travers le monde, une cinquantaine d’entreprises d’État sont mises à contribution. Le coût total de cette initiative est estimé à environ 900 milliards de dollars.

Bien qu’initié au début des années 2000, l’initiative a connu une nette accélération sous la présidence de Xi Jinping qui souhaite faire de la Chine la première puissance économique au monde d’ici le milieu du XXIe siècle. Pour permettre au pays d’accéder au rang de superpuissance, la Chine doit remettre en cause l’ordre économique mondial actuel dominé par les Européens et leurs alliés américains. C’est justement en Afrique que cette lutte entre les deux géants économiques doit prendre tout son sens.

Des investissements chinois importants en Afrique

Sur le continent africain, près de 39 projets d’infrastructures sont en cours dans le cadre de l’initiative « Une ceinture, une route », financés en grande partie par des établissements publics chinois comme la Banque d’Exportation et d’Importation de Chine (China Exim Bank). Le secteur des transports est le principal bénéficiaire de ces investissements avec la construction notamment des chemins de fer, des autoroutes et des ports. La Chine souhaite être reliée à l’Afrique afin d’accéder à ses matières premières et d’y vendre ses produits finis. La Chine a par exemple financé la construction du chemin de fer reliant la capitale du Kenya Nairobi à la ville portuaire de Mombassa pour un coût total de 3,2 milliards de dollars. De même, le géant asiatique a financé la construction du port polyvalent de Doraleh (Djibouti) grâce à un prêt avantageux de 340 millions accordé aux autorités. Malheureusement, cette initiative a aussi connu quelques revers comme celui du port de Bagamoyo (Tanzanie) évalué à près de 10 milliards de dollars.

En effet, plus de 10 ans après son lancement, celui-ci reste encore lettre morte faute d’accord entre la China Exim Bank et le gouvernement tanzanien. En dépit de ces quelques échecs, la perception des investissements chinois sur le continent africain reste globalement positive. En effet, les conditions de prêts avantageux sans condition et surtout l’absence d’ingérence dans les politiques économiques des États ont accéléré cette percée chinoise. Depuis 2016, la Chine est devenue le principal investisseur étranger sur le continent. Elle est parvenue en quelques années seulement à supplanter les États-Unis, la France, l’Angleterre dans des pays comme l’Égypte et l’Afrique du Sud y compris dans des régions comme l’Afrique centrale ou de l’Ouest ! comment expliquer une telle avancée ?

Une initiative occidentale pour contrer l’influence chinoise sur le continent africain

La raison de cette domination chinoise sur le continent s’explique d’abord par une perte d’influence des Américains, des Anglais et des Français. En effet, après l’effondrement du bloc soviétique en 1991, les Occidentaux ont décidé de tourner le dos au continent africain. La priorité a été accordée aux pays de l’Europe de l’Est en matière d’investissements. Cette situation s’est amplifiée au fur et à mesure que ces pays adhéraient aux organisations européennes (UE, OCDE, OSCE, etc.) au détriment du continent africain qui a été cantonné à une position de pourvoyeur de matières premières. Les pays occidentaux qui entretenaient pourtant des relations historiques et culturelles vont laisser un grand vide qui va alors être comblé par la Chine. Alors que les investissements directs étrangers (IDE) diminuaient drastiquement, les IDE provenant de la Chine augmentaient exponentiellement. Conforme à sa vision stratégique globale, la Chine va vite saisir les énormes potentialités que présentent les pays africains : populations dynamiques, richesses des sous-sols, besoins énormes d’investissements dans de nombreux secteurs, débouchés de consommation pour les produits finis chinois.

Tous ces efforts s’avèrent payants aujourd’hui puisque la Chine est devenue un acteur incontournable sur le continent africain avec des intérêts stratégiques dans de nombreux pays alors que l’influence européenne et américaine est devenue secondaire. Les crises en Ukraine et surtout au Mali sont les illustres confirmations de cette perte d’influence en Afrique. En effet, à la suite de l’invasion russe en Ukraine, 12 pays africains s’étaient abstenus et 8 n’avaient même pas pris part au vote de la résolution condamnant la Russie le 2 mars dernier et aucun pays africain n’applique de sanctions contre la Russie. Après 9 ans de présence militaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la France est partie contre son gré du Mali à la suite de l’arrivée des forces militaires russes.

Les autorités maliennes se sont tournées vers la Russie pour diversifier ses partenaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Cette perte d’influence s’est même accentuée puisque l’on assiste à présent à l’arrivée de nouveaux acteurs comme la Russie ou la Turquie qui n’hésitent plus à s’installer sur le continent au grand dam des Français, des Anglais et des Américains. C’est fort de ce constat inquiétant que l’administration américaine a décidé de reprendre pied en Afrique.

Des ambitions affichées sans réels moyens de réalisation

C’est lors de ce sommet du G7 à Krün en Bavière que le Président américain Joe Biden a décidé de lancer l’initiative dénommée « Partenariat mondial pour les infrastructures ». Il s’agit en réalité de la réactivation d’un projet présenté en juin 2021 par les mêmes autorités américaines dénommée à l’époque « Build Back Better World » lors du sommet du G7 de Carbis Bay en Écosse. Malheureusement ce projet n’avait pu voir le jour en raison du peu de soutien des autres pays du G7 et surtout du Congrès américain qui ne l’avait jamais validé. Mais cette fois-ci ce projet a pu susciter l’adhésion de toutes les parties prenantes pour mobiliser 600 milliards de dollars sur 5 ans afin de financer des infrastructures dans le monde, principalement en Afrique. Bien entendu, ce programme est basé sur des « valeurs partagées telles que la transparence, mais aussi les droits des travailleurs, de l’environnement, de l’égalité des genres » selon le président américain. Ce projet est donc une alternative qui vise à contrecarrer les ambitions de l’initiative chinoise. Pour se démarquer davantage de la Chine, les occidentaux accusent cette dernière mettre en danger les économies des pays africains en aggravant leur dette, de ne pas respecter les droits humains, les droits sociaux et l’environnement. En dépit de cette volonté affichée des pays du G7 de revenir en force sur le continent africain, il est reste fort à parier hélas que ces propos risquent de se limiter à de simples déclarations d’intention.

Un groupe du G7 sur le déclin

Initialement, le G7 réunissait les sept pays les plus riches de la planète lors de sa création par le président américain Jimmy Carter en 1975. Plus de quatre décennies plus tard, le nominatif de ces rencontres informelles a lui aussi changé pour devenir la réunion des « sept pays les plus industrialisés ». Il faut dire entre temps que 2 pays émergents ont fait leur entrée dans ce giron des plus grandes économies du monde à savoir la Chine et l’Inde. L’Empire du Milieu est devenu la deuxième économie mondiale depuis 2010 et le pays du Mahatma Gandhi a, pour la première fois de son histoire, dépassé le PIB de son ancien pays colonisateur l’Angleterre pour occuper, cet automne, le rang de 5e économie de la planète. Mais pour les Occidentaux, il n’est pas question de discuter d’enjeux planétaires avec la Chine qui est à leurs yeux une autocratie, ni même avec l’Inde qui demeure encore de leur point de vue un pays en voie développement.

Des promesses très difficiles à tenir

Comment les pays du G7 pourraient-ils mobiliser 200 milliards de dollars en 5 ans sachant les crises énergétiques et inflationnistes qui les frappent ? La hausse des cours de l’énergie (pétrole, gaz) cumulée à une inflation record (9% aux États-Unis, 6% dans la zone euro et 5% au Royaume-Uni) fragilise les gouvernements au point de les déstabiliser : démissions des chefs de gouvernements Mario Draghi (Italie) et Boris Johnson (Royaume-Uni), perte de la majorité absolue pour Emmanuel Macron (France) à l’assemblée nationale, le changement de majorité gouvernementale en Suède et la probable arrivée de l’extrême droite en Italie à la fin de ce mois sans oublier la perte possible de la majorité au Congrès américain pour les démocrates lors des élections de mi-mandat en novembre prochain.

Il est donc clair qu’une fois encore nous assistons à ce qui s’apparente plus à une campagne de communication plutôt qu’à une réelle capacité d’action de la part des dirigeants occidentaux. La crise en Ukraine et le risque de conflit à Taiwan avec la Chine vont une fois encore détourner les moyens financiers des occidentaux de l’Afrique vers l’Europe de l’Est et l’Asie, accentuant ainsi un peu plus le fossé qui s’est creusé avec l’Occident au grand plaisir des autres puissances émergentes qui souhaitent s’établir sur le vieux continent.
Jean Paul Augé OLLOMO

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