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Pétrole : L’OPEP+ et le Gabon vont baisser leurs quotas de production de brut

La puissante organisation qui regroupe les pays les plus grands producteurs et exportateurs de pétrole de la planète dont figure le Gabon a décidé de revoir à la baisse les quotas de production de pétrole brut. Cette décision tombe dans un contexte économique difficile sur fond de flambée des cours du pétrole. Quels en seront les effets à court et moyen termes ?
Un retour après 2 années de crise sanitaire
Après deux années de suspension dues à la pandémie de la Covid-19, les 13 pays membres de l’Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole et leurs 10 partenaires réunies au sein de l’OPEP+ se sont rencontrés à Vienne en Autriche, le 05 octobre 2022. Il faut signaler que ce sommet tant attendu se tient dans une période de surchauffe de l’économie mondiale en raison des cours de barils de Brent très élevés. Les pays européens sont fortement impactés par cette flambée des prix du pétrole dont ils sont extrêmement dépendants. Les sanctions que les Européens appliquent contre la Russie ont entrainé une baisse des prix de cette énergie.
Un sommet très attendu
Le sommet de Vienne était également très attendu par les Américains et Européens. En effet, avec une inflation qui atteint à présent les 10% aux États-Unis et en Europe et les multiples augmentations des taux directeurs initiées par leurs banques centrales, les Occidentaux avaient multiplié les signaux en faveur d’une augmentation de la production mondiale de brut. On se souvient de la visite du président américain Joe BIDEN en Arabie Saoudite en juillet dernier où il avait rencontré le prince héritier Mohamed BEN SALMANE. Devant le Conseil Consultatif du Golf (CCG) qui concentre 48% des réserves mondiales de brut, le dirigeant nord-américain avait fait un plaidoyer en faveur d’une augmentation abondante de la production afin de faire chuter les cours du baril de pétrole. Le président français Emmanuel Macron avait également rencontré en grande pompe le président des Émirats arabes unis (EAU) le Cheick Mohamed BEN ZAYED AL-NAYHANE, en juillet dernier, à Paris (France).
Une baisse de 2 millions de barils/jour
Malheureusement, les décisions de ce sommet ont fait l’effet d’une douche froide pour les Occidentaux. En effet, les membres de l’OPEP+ ont décidé de baisser de 2 millions de barils par jour les quotas de production de brut. Le Gabon, pays membre de droit de cette organisation, va donc réduire sa production pétrolière de plusieurs milliers de barils. Cette diminution drastique vise, selon le cartel, à soutenir les prix du marché et à enrayer cette tendance baissière. Pour Malik ZETCHI, analyste financier chez Pictet Wealth Management, la décision de l’OPEP+ vise avant tout des fins stratégiques économiques. Il explique que « ces prix plus élevés vont permettre aux sociétés pétrolières d’investir avec une certaine visibilité. C’est une manière de défendre leur prix et ne pas laisser la crise économique prendre le dessus sur les prix du pétrole ».
Les Américains et les Européens qui espéraient un geste constatent que les pays pétroliers ont leurs propres agendas. Ces derniers ont donc décidé de maintenir à un niveau élevé les cours de pétrole plutôt que de venir soutenir les pays qui font face à des difficultés économiques. Mieux, la Russie sort renforcée, car elle a obtenu cette baisse de production. Moscou est confronté à l’entrée en vigueur de l’embargo européen sur son pétrole à la fin de cette année et à un potentiel plafonnement des prix par l’Union Européenne et le G7. En tirant les cours vers le haut, la Russie pourrait ainsi maximiser ses revenus tirés des exportations de brut, notamment vers l’Inde et la Chine.
Les Américains et les Européens qui espéraient un geste constatent que les pays pétroliers ont leurs propres agendas. Ces derniers ont donc décidé de maintenir à un niveau élevé les cours de pétrole plutôt que de venir soutenir les pays qui font face à des difficultés économiques. Mieux, la Russie sort renforcée, car elle a obtenu cette baisse de production. Moscou est confronté à l’entrée en vigueur de l’embargo européen sur son pétrole à la fin de cette année et à un potentiel plafonnement des prix par l’Union Européenne et le G7. En tirant les cours vers le haut, la Russie pourrait ainsi maximiser ses revenus tirés des exportations de brut, notamment vers l’Inde et la Chine.
Les Occidentaux très déçus par cette décision
Les plus virulents à réagir sont les Américains dont le président Joe Biden s’est dit « déçu par la décision à courte vue de l’OPEP+ » à travers un communiqué de la Maison-Blanche selon lequel son administration « va consulter le Congrès sur les outils et les mécanismes supplémentaires permettant de réduire le contrôle (de l’OPEP+, NDLR) sur les prix de l’énergie », dénonçant en outre un « alignement » avec la Russie. La déception est tout aussi grande chez les pays européens dont les perspectives s’assombrissent avec les hausses des prix à la pompe. Mais selon son secrétaire général, Haitham AL-GHAIS, l’OPEP+ « ne met pas en danger la sécurité du marché, bien au contraire, elle apporte de la sécurité, de la stabilité au marché de l’énergie ».
Fin du partenariat privilégié États-Unis/Arabie Saoudite ?
Cette situation met-elle en évidence une nouvelle crise entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite ou est-ce la fin du partenariat stratégique qui date du début des années 70 ? Il est clair que l’on assiste à un éloignement entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite et à un rapprochement entre Moscou et Riyad. En effet, il faut se rappeler que l’actuel président américain avait qualifié le géant de la péninsule arabique « d’État paria » à la suite de l’assassinat du journaliste américano-saoudien Jamal KHASHOGGI en 2018, à Istanbul (Turquie). Il aura fallu attendre la guerre en Ukraine et les conséquences des sanctions occidentales sur leurs propres économies pour pousser Joe Biden à revoir sa position vis-à-vis de son allié. Entre temps, les Saoudiens renforçaient leur coopération énergétique avec les Russes au sein de l’OPEP+ et l’Arabie Saoudite frappait même à la porte des BRICS, une organisation à laquelle appartient la Russie, et qui se veut une alternative au G7 emmené par les États-Unis.
L’Europe dans le désarroi total
Pour les Européens la situation est plus dramatique. La baisse des quotas de production de brut de l’OPEP+ sonne comme une triple peine. D’abord cela va maintenir l’inflation à un niveau élevé, contraignant les banques centrales à intervenir de nouveau sur les taux directeurs et à limiter l’accès aux crédits. Ensuite les pays européens seront contraints à prendre d’autres mesures pour limiter les impacts sur les populations par le biais de boucliers et autres aides sociales et augmenter leurs dettes souveraines. Enfin, en raison de l’effondrement des cours des monnaies européennes face au dollar américain, l’Europe verra les industriels acheter plus cher leur énergie avec les risques de faillite des entreprises qui n’auront plus la capacité de payer leurs factures énergétiques ni d’être compétitives.
Jean Paul Augé OLLOMO